Crimes rituels et dignité humaine : approche philosophique
Aujourd’hui, dans certains Etats africains, tel que le Gabon, ôter la vie à une personne à des fins fétichistes est devenu un acte banal. Les commanditaires de ces actes ignobles sont souvent motivés par l’idée qu’accéder à de grandes fonctions dans la haute administration publique ou privée, ou encore se maintenir aux affaires lorsqu’on y est déjà, peut être conditionné par ces pratiques macabres. Pourtant, l’humanisme du XVIIIème siècle avait proclamé la centralité de la personne humaine en découvrant, dans une perspective morale, qu’elle était porteuse, par le simple fait d’appartenir à l’espèce humaine, d’une valeur absolue et imprescriptible qu’on appelle dignité humaine et dont le respect n’est pas facultatif, mais relève d’une obligation. Sur un plan juridique, les tenants de l’humanisme avaient conféré à l’homme un ensemble de droits : les droits de l’homme. Car en tant qu’être particulièrement vulnérable, il avait forcément besoin d’une certaine forme de protection pour l’épargner non seulement de la violence arbitraire de ses semblables, mais aussi pour prendre en considération ses besoins les plus fondamentaux. Ces droits ont été consignés et mieux explicités dans un certain nombre de textes devenus célèbres que sont la "déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789", et la "déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies de 1948". Cette dernière déclaration stipule, en son article 3 que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Dans la même optique, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples recommande en son article 4 ce qui suit : « La personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne : nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit ». Il s’agit là d’un idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations, et ceci, au moyen, si possible, de l’éducation et des mesures d’ordre national et international. Mais, au regard de ce qui précède, il ressort que supprimer la vie à un être humain est acte anti-juridique et immoral. Car l’individu n’est pas réductible à une bête de somme. Même s’il est un animal, il est d’abord et avant tout un animal raisonnable. Se servir donc du corps sans vie de son alter ego pour prétendre effectuer une ascension sociale fulgurante revient à utiliser celui-ci comme un moyen au service d’une fin. Car en tant qu’être doué de raison, l’homme ne doit pas être traité comme un moyen. Il doit au contraire être considéré comme une fin en soi. Et le traiter comme fin en soi, c’est le considérer comme un être qui mérite le respect ; autrement dit un être porteur de dignité. La dignité est une valeur absolue, c’est-à-dire une valeur qui se situe au-dessus de toutes les autres valeurs. Si tous les êtres de la nature, excepté l’homme, n’ont qu’une valeur relative, en ce sens qu’ils peuvent être échangés contre autre chose, en revanche, celui dont la valeur se situe au-dessus d’autres valeurs, celui qui ne doit absolument être échangé contre rien, c’est bien la personne humaine. A ce titre, sa vie est d’une grande préciosité. Voici pourquoi il importe de ne jamais la supprimer. Ainsi l’Etat, en tant que garant de l’ordre public, doit œuvrer pour l’avènement d’une société meilleure où les êtres humains seront débarrassés de la terreur et vivront dans la liberté. Aussi au Gabon, les tribunaux compétents en la matière, c’est-à-dire les cours criminelles tiennent leurs assises et rendent des verdicts sévères et sans appel : la réclusion criminelle à perpétuité. Puisse donc cette sentence dissuader les éventuels prétendants aux crimes rituels afin que soit restaurée la dignité humaine.
Aaron Septime NZENGUI, Docteur en philosophie
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