Près de la moitié des visas délivrés par la France devraient être gratuits
Un texte européen de 2001 dispense de droits les voyageurs qui ont de la famille dans l'Union
Montpellier Correspondante
L'arrivée d'un nouveau gouvernement est souvent porteuse d'espoir pour ceux qui estiment ne pas avoir été entendus du gouvernement précédent. C'est ce qu'espère un avocat de Montpellier, qui demande au gouvernement de faire appliquer une jurisprudence européenne jusqu'ici ignorée par les services publics français.
La décision européenne concerne les visas, et plus précisément les tarifs demandés par les consulats pour une demande de visa. Les services consulaires français à l'étranger (hors Union européenne) pratiquent tous, à peu de choses près, la même politique : faire payer toutes les demandes de visa, quel que soit le type de visa demandé, et quelle que soit la personne qui le demande. Chaque demandeur doit ainsi verser une somme en monnaie locale, correspondant au tarif officiel de 60 euros, pour que son dossier soit examiné.
" Manne financière "
Or, une décision du Conseil européen de 2001 s'est penchée sur cette question des " droits à percevoir pour les demandes de visa ". Et le texte est clair : il exige que les demandes de visa des membres " de la famille d'un citoyen de l'Union européenne " soient instruites gratuitement. Autrement dit, tous les demandeurs qui ont un conjoint, un parent ou un enfant déjà membre de l'Union européenne ne doivent pas payer.
C'est le cas de très nombreux Maghrébins, beaucoup ayant un membre de leur famille de nationalité française. La plupart d'entre eux ne sont pas au courant de ce texte et ne sont pas informés par les consulats. Ils règlent donc comme les autres les 60 euros.
" Si on fait un calcul grossier, on peut dire que sur deux millions de demandes de visa, environ la moitié n'aurait pas dû donner lieu à un paiement, estime l'avocat Olivier Taoumi. Ce qui fait tout de même 75 millions d'euros empochés illégalement par l'Etat français ! C'est une véritable vache à lait ! "
L'avocat a donc décidé de profiter du changement de gouvernement pour essayer de faire bouger les choses. Il vient d'écrire au ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, pour lui demander de faire respecter la législation européenne. Le dossier est connu depuis de nombreuses années. En 2007 déjà, l'avocat avait saisi le ministre des affaires étrangères de l'époque, Bernard Kouchner. Sans réponse.
Et en 2009, la Cimade (association oecuménique d'entraide) s'était penchée sur " les pratiques consulaires en matière de délivrance de visa ", à partir d'une enquête faite dans six pays (Ukraine, Turquie, Maroc, Algérie, Sénégal, Mali). L'aspect tarifaire n'était pas le point central du document, mais les conclusions étaient claires : " La demande de visa représente pour les postulants un investissement onéreux et une manne financière pour les pouvoirs publics. "
Aujourd'hui, Jean-Paul Nuñez, délégué régional de la Cimade en Languedoc-Roussillon, estime que la situation est loin d'être réglée. " Mais le changement de couleur du gouvernement ne réglera pas la question, d'autres inerties sont en jeu et les pratiques sont généralisées à la plupart des pays européens, insiste le militant associatif. Le problème, c'est que les gens sont prêts à faire des recours sur le fond, sur les motifs du refus d'un visa, mais pas sur l'aspect financier. Ils seraient même prêts à payer le double si cela leur permettait d'avoir ce visa ! "
Et puis, complète Me Taoumi, en fonction des pays, un ressortissant peut payer entre 5 000 et 10 000 euros au marché noir pour obtenir un visa. " Dans ces conditions, conclut l'avocat, on comprend que beaucoup préfèrent encore régler les 60 euros pour tenter de l'avoir légalement, même si rien ne justifie cette enveloppe. "
Anne Devailly
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